Les NFT c’est quoi ? Décrypter le phénomène.

Saviez-vous que l’artiste Pak a vendu son œuvre d’art  « The Merge » sous forme de NFT pour 91,8 millions de dollars ?

« The Merge » by Pak

Oui vous avez bien lu. Il s’agit ici d’un prix record concernant la vente aux enchères d’une œuvre d’art vendue publiquement par un artiste encore vivant. Au total, ce sont 28 983 collectionneurs qui se sont emparés des 312 686 unités « numériques » qui composent l’œuvre intégrale. La Fusion (The Merge en anglais) n’est donc pas un nom choisi au hasard. L’idée était que l’ensemble des parties (les acheteurs) forment le tout (l’œuvre finale). Mais vous vous demandez peut-être pourquoi ces personnes ont payé si cher pour ne détenir qu’une partie de la propriété de cette œuvre numérique accessible par n’importe qui et à tout moment sur Internet ?

C’est quoi un NFT ? Dans cet article, on va vous expliquer ce que sont les NFT, la technologie sur laquelle ils s’appuient et en quoi ils révolutionnent le monde digital.    

                                                                                                 

1 | C’est quoi un NFT ? Définition d’un NFT

De l’acronyme Non Fongible Token (NFT) en anglais, il signifie littéralement en français token non fongible (ou jeton non fongible). Un NFT est un actif numérique émis par la blockchain, c’est-à-dire une base de données décentralisée. Pour décrypter ce phénomène, il faut d’abord comprendre ce qu’est le concept de fongibilité.

1.1 La fongibilité

Pour comprendre le principe de fongibilité, nous pouvons imaginer ça avec les bitcoins. Que vous ayez l’un des tous premiers bitcoins qui ait existé sur la blockchain ou que vous ayez l’un des derniers, ces 2 bitcoins sont interchangeables, c’est-à-dire que si vous les envoyez sur une plateforme d’échange, il n’y aura aucune différence entre les 2 jetons (tokens). Ils auront exactement la même valeur et, que ce soit un tout récent ou un très ancien bitcoin, ils vont s’échanger et vont vous permettre de faire les mêmes choses pour la même fonction et la même valeur.

1.2 La non fongibilité

Un token non fongible, c’est tout l’inverse, c’est-à-dire qu’il est unique avec des caractéristiques qui lui sont propres. Cela signifie que le token n’est pas interchangeable avec d’autres tokens (ici les NFT). Dans cette logique, chaque NFT a sa valeur, sa propre utilité et ne peut pas être remplacé ou imité par un autre. On parle de « token » car c’est une unité qui s’échange à travers la technologie de la blockchain. Actuellement, les tokens les plus connus sont les ERC-721, c’est-à-dire les NFT sur la blockchain d’Ethereum (99%). La valeur de ces tokens s’expriment ainsi en ether (cryptomonnaie correspondante à la blockchain).

 

2 | Pourquoi la blockchain ?

Concrètement, la valeur numérique existait déjà avant l’avènement des NFT. On pouvait par exemple payer dans un jeu vidéo pour avoir une nouvelle skin (apparence), des points ou encore des vies supplémentaires. Donc la question qui se pose alors est : en quoi la blockchain et donc les NFT permettent une réelle (r)évolution de la valeur numérique ?

Si la valeur, elle, était déjà incarnée jusqu’alors, la certification de propriété sous forme de cryptage n’existait pas, et c’est justement la technologie de la blockchain qui a permis d’introduire cette notion de rareté numérique. En effet, quand une gamme de NFT est émise ou quand un artiste réalise une œuvre et la met sur la blockchain, elle est unique et on peut retracer tout au long de sa vie qui la détient et vérifier s’il s’agit de l’œuvre originale ou pas.

2.1 Comprendre le principe de la blockchain

Aujourd’hui, une transaction financière entre 2 personnes nécessite l’intervention d’un tiers de confiance (une banque par exemple). Si une personne X souhaite effectuer un virement à une autre personne Z, elle devra envoyer l’ordre de transfert d’argent à sa banque. La banque va ainsi vérifier si X possède le montant sur son compte et, si c’est le cas, autoriser le transfert à Z. Elle gardera ensuite une trace de tout ce que possèdent ses clients et une trace de l’ensemble des transactions effectuées. Pour comprendre l’exemple, on dira que la banque stocke toutes ces informations dans un livre de compte.

Avec la blockchain c’est différent. Le livre de compte devient public, c’est-à-dire qu’il n’est plus détenu par un seul acteur mais est distribué à tous. Chaque personne possède alors une copie de ce livre de compte et peut consulter l’ensemble des échanges présents et passés. Toutes les personnes qui possèdent le livre de compte constituent le réseau de la blockchain.

Comment se déroule une transaction dans la blockchain ?

Si on reprend l’exemple précédent, on a X qui lance l’ordre de virement à Z. Les différentes personnes du réseau vont alors vérifier dans leur livre de compte si X possède bien le montant nécessaire pour la transaction. Si c’est le cas, alors la transaction est validée et chaque personne va alors inscrire cette transaction dans une nouvelle page du livre de compte, ce qui met à jour tous les livres de compte de la blockchain. Vous l’aurez compris, avec la blockchain ce n’est plus un seul acteur central qui valide ou non une transaction mais c’est l’ensemble des membres du réseau. Evidemment, dans la vraie vie ce ne sont pas des livres qui stockent l’information mais des machines avec de la puissance de calcul (ordinateur, serveur). Techniquement, la blockchain peut être vue comme une base de données distribuée et décentralisée.

2.2 Les NFT dans la blockchain

Comme on l’a évoqué plus haut dans l’article, la plupart des NFT font partie de la blockchain Ethereum (ERC-721). Cette technologie se charge de stocker toutes les informations relatives aux certificats de propriété des NFT (transactions, mouvements…). Ainsi, une fois rentré dans la blockchain, chaque NFT est unique et devient alors une rareté numérique.

 

3 | Un NFT : à quoi ça sert ? 

Quel serait l’intérêt d’obtenir la propriété d’une œuvre numérique qui n’est ni matérielle ni physique ? Certaines personnes estiment en effet que posséder un NFT est dépourvu de sens et de valeur. Toutefois, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les NFT prennent de plus en plus de sens dans une société qui mute chaque jour vers un monde numérique, dématérialisé et décentralisé. C’est d’ailleurs ce qu’on a pu observer fin 2021 avec le projet Meta. Dans cette vision complètement digitalisée du monde, l’idée est de voir les NFT comme une version 2.0 des titres de propriété classique. De nombreuses grandes marques investissent déjà par exemple dans des certificats de propriété de terrains numériques dans le métavers.

 

4 | Que peut-on acheter avec les NFT ? 

Tout objet sur Internet, c’est-à-dire virtuel, peut être acheté sous forme de NFT (photo, image, morceau de musique, animation, vidéo,…). Mais l’engouement actuel se tourne plutôt vers l’art numérique. Peut-être avez-vous remarqué ces derniers temps des personnalités publiques mettre des illustrations de singe en photo de profil ? Et bien il s’agit ici d’une collection de NFT : les Bored Apes Yatch Club, qui sont au passage vendus à prix d’or !

Extrait de la collection des 10 000 Bored Apes

Mais du coup pour faire le « casse » du siècle, il suffirait de faire clic droit sur l’image, enregistrer sous et la mettre en photo de profil pour prétendre posséder un NFT. Sauf que ça ne marche pas tout à fait comme ça car il faut avoir en tête que ce n’est pas l’image qui est achetée mais le certificat d’authenticité, c’est-à-dire de propriété. Vous pouvez par exemple acheter un poster de la Joconde à 5€ et l’encadrer dans votre salon, mais vous ne pourrez jamais prétendre à posséder l’œuvre originale. C’est donc l’authenticité qui est recherchée.

4.1 Acheter ou vendre des NFT 

Dans l’idée où vous souhaiteriez acheter des NFT, il faut vous rendre sur des marketplace spécialisées dans l’achat d’actifs numériques. Plusieurs plateformes dédiées aux NFT existent déjà : OpenSea, Binance, Rarible… L’achat peut s’effectuer à un prix fixe ou bien via une vente aux enchères virtuelle et pour le réaliser, vous devez ouvrir et alimenter une portefeuille de cryptomonnaies correspondantes à la blockchain sur laquelle le NFT est rattaché.

4.2 Quelles dérives pour les NFT ? 

En partant du postulat que tout objet sur Internet peut être acheté sous forme de NFT, on peut dès lors s’imaginer que certaines personnes vont en profiter pour vendre tout et n’importe quoi. C’est par exemple le cas que Stéphanie Matto, une jeune influenceuse, qui a décidé de vendre ses… flatulences dans des pots sous forme de NFT. Avant d’être surpris par cette information, attendez de savoir que l’influenceuse les vend à l’unité 0,5 ETH (soit au moment de rédiger ces lignes approximativement 1 135€).

Outre ce type de vente délirante,  certaines dérives concernent la plagiat d’œuvres. La célèbre plateforme OpenSea rencontre en effet depuis début 2022 des problèmes concernant le « braconnage » de NFT. Rapidement devenue célèbre pour ses fonctionnalités, OpenSea laissait à tout le monde la possibilité de vendre des NFT (sans sélection, ni contrainte) et s’occupait d’inscrire dans la blockchain les fichiers mis à la vente. En clair, il était relativement facilement de créer un NFT à partir de n’importe quel fichier, et de le mettre en vente tout aussi rapidement. Ainsi, pour n’importe quel internaute il est tout aussi facile de faire une capture d’écran d’une œuvre prometteuse, de la vendre et d’en tirer de l’argent. La plateforme a d’ailleurs reconnu cette dérive dans un tweet datant du 28 janvier 2022 : « 80% des fichiers créés étaient des œuvres plagiées, des fausses collections, et des spams ». Après avoir annoncé des mesures correctives, OpenSea a finalement fait retour arrière sur cette décision laissant alors les créateurs sans véritable défense.

Les NFT peuvent ainsi être utilisés à mauvais escient, des personnes pouvant s’attribuer la propriété numérique… d’œuvres dont ils ne sont pas propriétaires ! Un autre exemple récent ? L’affaire Picasso. Des héritiers de l’artiste avaient annoncé vouloir vendre sous forme de NFT une de ses œuvres. Mais cette information a été démentie dès le lendemain par l’Administration Picasso qui est chargée de la gestion des droits de propriété intellectuelle de l’artiste !

Avec le web 3.0 et la blockchain, le marché de l’art est en profonde mutation…

 

5 | Les NFT : similitude avec la pyramide de Ponzi ? 

Une autre critique est souvent adressée à l’encontre des NFT concernant leur analogie à un système de Ponzi (ou pyramide de Ponzi), c’est-à-dire un système artificiel dans lequel l’arrivée de nouveaux investisseurs assure une plus-value aux précédents uniquement basée sur de la spéculation.

5.1 Qu’est-ce que le système de Ponzi ?

C’est un système d’investissements frauduleux créé par Charles Ponzi dans les années 1920 qui ne peut pas tenir par lui-même car il n’est adossé à rien de concret, l’unique but est de gagner de l’argent. C’est une sorte de pyramide financière dans laquelle les personnes sont rémunérées par les investissements des nouveaux entrants dans le système. Vous l’aurez vite compris, s’il n’y a plus de nouveaux clients, le système s’effondre car les investissements ne permettent plus de couvrir les rémunérations des clients dernièrement entrés.

Imaginons par exemple que nous vous proposions de rémunérer votre placement à 20%, ce qui est énorme. Vous placez 100€, nous n’avons pas les moyens de vous donner les 20€ de gain. Il nous suffit alors de trouver un nouveau client prêt à placer 100€, et nous allons utiliser cet argent pour vous rémunérer à 20%. Le système tiendra toujours tant qu’il y a de nouveaux entrants, soutenu par l’effet viral de l’offre alléchante qui est proposée (et qui semble réelle !). Le jour où il n’y pas plus de client, c’est l’ensemble de la pyramide qui s’effondre.

5.2 Quel parallèle avec les NFT ?

Le schéma précédemment décrit s’observe également dans la chaîne des NFT. Beaucoup de ces projets n’ont en effet strictement aucun intérêt à part la spéculation. Certaines personnes se sont saisies de la tendance aux NFT par opportunisme financier mais n’ont derrière pas de réelles compétences artistiques ni même de projets à long terme. C’est pourquoi la plupart des projets sont développés très rapidement car les personnes quittent le marché après avoir vendu leurs NFT. Les sommes atteintes au final ne correspondent souvent pas à la véritable valeur artistique de la propriété numérique acquise.

Le jour où le grand public commencera à se désintéresser des NFT, les derniers entrants sur les plateformes d’échange qui pensaient revendre leurs NFT plus chers perdront énormément.

 

6 | Les NFT : une opportunité ou pas ?

Tout d’abord, il est important de souligner que la technologie de la blockchain, base du web 3.0, représente divers avantages d’un point de vue de la data. Une base de données distribuée et décentralisée augmente la sécurité, la transparence et la traçabilité des données. Chaque membre de la blockchain possède le même niveau d’information et cette dernière n’est alors plus réunie dans les mains d’un seul acteur. Le fait de pouvoir crypter des données et de pouvoir les certifier nous paraît être un élément technologique d’avenir.

Les smart contracts par exemple (contrats intelligents permettant d’exécuter de manière automatique des conditions prédéfinies et inscrites dans une blockchain) permettent aux deux parties du contrat de sécuriser leur accord (transparence, immutabilité des blokchains), d’automatiser le paiement et donc de réduire le risque d’impayés, puis enfin de diminuer les coûts de transaction (notaire, avocat, etc.).

Si le web 3.0 nous semble prometteur, l’emballement autour des NFT nous inspire en revanche beaucoup de méfiance : la bulle qui est en train de naître ressemble très fortement à la bulle spéculative autour d’Internet du début des années 2000, où des investisseurs étaient prêts à acheter n’importe quoi, parfois un simple nom de domaine, à des sommes délirantes !

Des technologies à suivre… mais pas à n’importe quel prix !

 

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Image de Jérôme Lecourtier

Jérôme Lecourtier

🚀 Fondateur de l'agence de communication digitale Pixeldorado (sites web, e-commerce, SEO, contenus web, automatisation), Jérôme Lecourtier est également formateur : il intervient en entreprise et enseigne le marketing en Master à l'IAE et à Kedge Business School.

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